Quand on parle de rechargement, comme lorsqu'on parle armes ou tir, la notion de sécurité doit demeurer présent à l'esprit de chacun. Il ne s'agit pas simplement de règles élémentaires, mais d'un état d'esprit.

La notion de sécurité dépasse largement le cadre des manipulations diverses que les uns ou les autres effectuent au cours des opérations de rechargement proprement dites. Il s'agit d'un état d'esprit, composé de parts égales et de bon sens, d'apprentissage, de connaissance et de capacité à remettre en cause les informations reçues de droite ou de gauche.
Tout rechargeur joue avec les limites physiques de ses armes et de ses méthodes. Je ne connais personne qui ait envie de souffrir de blessures graves, de mourir éventuellement. Je ne connais personne qui souhaite mettre en danger la vie de ses proches ou celle d'innocents spectateurs. J'ai de la chance, moi aussi, comme chacun d'entre nous, mais je ne voudrais pas vous faire croire que seule la chance s'applique.
Nous devons avoir présent à l'esprit trois faits très facilement compréhensibles. D'abord, nous travaillons avec des pressions élevées. Ensuite, ces pressions ne sont séparées de nous que par des assemblages mécaniques et quelques millimètres de métal. Enfin, nous disposons de tous les moyens d'assurer notre sécurité ou notre perte, au choix : notre attention est le seul moyen d'éviter les problèmes... ou les accidents !

La maîtrise du véhicule.

Notre véhicule, c'est l'arme. C'est elle qui nous permet de recharger. Cette arme possède un calibre précisément défini aussi bien par les cotes de la cartouche, par le diamètre du projectile que par la pression admissible de cette munitions. Bon, parfait : tout le monde devrait le savoir. Mais ça va lus loin que cela.
D'abord, il n'existe qu'un moyen d'éviter l'accident, qui est de maîtriser le véhicule. Cela signifie que nous devons savoir comment il marche en conditions normales, pour identifier toute déviation. Une carabine, un pistolet ou un revolver répondent à certaines normes à la fois communes à toutes les armes de ce type et propres à chaque fabrication. Il faut connaître ces normes. Les sources d'information sont à la fois nombreuses et dispersées, rares et accessibles.
Nombreuses, parse que des dizaines d'ouvrages contiennent ces informations :la dispersion résulte du nombre et de la diversité de ces oeuvres. Rares, parce que l'essentiel de la documentation vulgarisée est en langue anglaise, l'art du rechargement nous étant arrivé dans sa majeure partie d'outre-atlantique. Accessible, parce que d'incontournables sommes (1), résultat de toute une vie consacrée à l'amélioration des connaissances et à la protection des pratiquants, sont tout simplement présentes chez notre armurier ou en librairie.
Il faut aussi, et c'est indispensable, connaître les caractéristiques de conception, de conception, de fabrication et d'usage de l'arme considérée. Cela évite de nombreuses erreurs et peut sauver des vies. Par exemple, une carabine construite autour d'un boîtier Mauser 98 d'origine - qu'il porte ou pas sa date de fabrication, le moineau à pédales ou une autre indication de sa provenance - a le plus souvent été faite pour recevoir, autrefois, la cartouche de 7,92 X 57mm IS dans sa version standardisée. Cette cartouche développe une pression admissible, selon les normes de la C.I.P., de 3400 bars. La pression d 'épreuve de l'ex-réglotte allemande est de 4420 bars (2). Passe encore qu'un nouveau canon, chambré pour la 7 X 64 Brenneke par exemple, vienne se visser sur cette mécanique : la pression admissible de cette cartouche est de 3600 bars, sa pression d'épreuve de 4680 bars.
Mais qu'un esprit aventureux veuille, tout à coup, chambrer cette carabine construite sur cette base omniprésente pour une cartouche beaucoup plus longue, qui va tourner à des pressions plus élevées ou même simplement équivalentes, et qu'il doive, pour que ça rentre dans le magasin et que ça alimente, entailler le boîtier par dessous et refaire une rampe d'alimentation, réduisant ainsi la quantité de métal présente derrière la mortaise du tenon inférieur, et les choses peuvent mal se passer ... Oh, pas tout de suite, mais un peu plus tard. Et ce sera toujours trop tôt !

Tir de cartouches rechargées : Les règles indispensables.

Quel que soit le type d'arme, qu'il s'agisse d'une arme d'épaule ou d'une arme de poing, les règles élémentaires qui suivent doivent être respectées.

1 - TOUTE CARTOUCHE QUI REFUSE DE CHAMBRER EN DOUCEUR DOIT ETRE MISE A PART ET DECHARGEE. Il arrive qu'un étui gonfle au delà de sa capacité à être reformé. Dans ce cas, l'arme refusera de chambrer la cartouche.
Parfois, une pression suffisante sur le verrou suffira à effectuer ce chambrage - mais dans quelles conditions ? On ne voit pas ce qui se passe à l'intérieur du canon. L'épaulement peut être repoussé vers l'arrière, ou bien le collet est trop long, ou bien la balle assise trop en avant. Dans tous les cas, une augmentation importante de la pression se produira. Vous ignorez qui va céder le premier, de l'étui ou du système de fermeture. Mieux vaut extraire la cartouche, la ranger à part et la décharger en rentrant à la maison.

2 - IL N'Y A PAS DE MARGE DE SECURITE ! TENEZ-VOUS EN TOUJOURS AUX TABLES DE RECHARGEMENT ET N'ESSAYEZ PAS DE NOUVELLES RECETTES. Il y a des fanatiques de la " puissance " tout comme il y a des amateurs d'expérimentation. Les premiers doivent savoir - et ils l'apprennent parfois à leur dépens - que le développement d'un chargement n'est pas une chose qui s'improvise. La fameuse " marge de sécurité " qu'on pourrait imaginer construite dans l'arme, l'étui, les charges des manuels n'existent pas le moins du monde. Quand aux charges échangées sur le coin du pas de tir, vous savez, les recettes miracles, les idées plus ou moins saugrenues, méfiez-vous en comme de la peste, de la vérole et du sida réunis : les effets sont les mêmes, même s'ils sont plus rapides.
Les recettes sont codifiées dans les publications des fabricants de poudre et les manuels. Il y a une excellente raison à cela : chaque charge a donné des résultats précis dans les conditions de l'essai. Il arrivera, parce que des différences existent d'un lot de composants à un autre, d'une arme à une autre, d'une technique à une autre, que certaines charges du manuel paraissent produire des pressions importantes dans votre arme. C'est normal, et ce n'est par pour rien que le manuel précise que les charges maximum ne doivent pas être dépassées. Ce n'est pas pour rien non plus que tel ou tel type de poudre est choisi, et que les autres types ne sont pas cités.

3 - AUCUNE POUDRE NE PEUT ETRE SUBSTITUEE A UNE AUTRE , NI AUCUN COMPOSANT A UN AUTRE, QUOI QUE VOUS LISIEZ DANS LES DIFFERENTS MANUELS ou dans d'autres publications. Dans un monde idéal, il y aurait une poudre pour chaque cartouche, pour chaque poids de balle dans chaque chambrage : cela permettrait d'optimiser la performance de chaque combinaison de composants, et en toute sécurité. Bien entendu, la logique industrielle et le simple bon sens s'y opposent pour des raisons de coût d'une part et de logistique d'autre part. Lorse que vous achetez un manuel de rechargement, d'où qu'il provienne, ce manuel peut avoir deux origines : un fabricant de poudre ou un fabricant de balles.

NON, JEFF, T'ES PAS TOUT SEUL !

Le manuel du poudrier est conçu pour procurer des informations pratiques sur l'emploi des poudres qu'il fabrique avec une variété plus ou moins large de composants choisis sur le marché pour leur disponibilité : amorces, étuis, balles ...Ce manuel va vous donnes des limites précises. A chaque changement de composants, il faudra appliquer une règle très simple : DIMINUER LA CHARGE DE POUDRE et procéder à des essais jusqu'à obtenir la vitesse recherchée sans provoques des pressions plus élevées que dans la recette de base. Mieux encore : cette règle de la diminution s'applique quand vous commencez à recharger tel ou tel calibre. Les tolérances varient d'une arme à l'autre, d'un lot d'étuis à l'autre, d'un lot de poudre à l'autre. Il suffit qu'elles s'additionnent pour que quelque chose arrive. En pratique, il est TOUJOURS nécessaire de toujours réduire les charges indiquées dans un manuel ou une table de chargement de 5 pour cent et de procéder à des essais appuyés sur des mesures de vitesse.
Le manuel du fabricant de balles est différent : il cite plusieurs types ou plusieurs marques de poudre pour chaque calibre. C'est normal : le fabricant de balles est dans la même situation que le rechargeur-tireur et veut démontrer que ses produits s'adaptent à une très grande variété de propergols et de composants. Ce manuel précise toujours la marque de l'étui utilisé, parfois sa capacité en centimètres cubes ou en poids d'eau, et indique toujours la marque et le type de l'amorce, tout comme le fait le poudrier. Là encore, on s'aperçoit souvent que le manuel indique des charges dites " de départ " (starting loads en anglais). Respectez la procédure et commencez par ces charges de départ.
Vous n'êtes jamais seul, souvenez-vous en ! Un manuel, une table de rechargement sont des alliés précieux. Une carabine ou un pistoles ne sont pas des jouets innocents : raison de plus pour demeurer conscient des risques encourus et les minimiser.

SAVOIR SE FAIRE AIDER

Comment se faire aider lorsqu'on a des doutes et qu'on se juge dans une impasse ? Très simplement : les bancs d'épreuve et les fabricants de poudres sont là, dans certaines limites, pour vous aider. Ils peuvent réaliser des essais de pression pour vous, avec vos composants et vos cartouches rechargées selon vos techniques. Ils vous demanderont une modeste contribution financière, certes : main on a rien sans rien !
Chez nous, Nobel Sport et le banc d'épreuves de Saint-Etienne disposent d'une vaste gamme de canons d'épreuve. Ils n'ont pas tout, bien entendu. Mais consultez-les toujours ! Pour le reste, vous pourrez, par l'intermédiaire de votre armurier, ou à défaut par celui de cette publication, trouver une réponse à toutes vos questions, ou presque.
Pour les branchés, Internet offre un accès direct aux tables de rechargement de la SNPE, aussi bien qu'un moyen de faire circuler l'information par l'intermédiaire d'une messagerie électronique. Vous pourrez poser vos questions, échanger des courriers et recevoir vos réponses pour ... le prix d'une communication téléphonique locale, youppie ! et quoi qu'en pensent la Poste, France Télécom et le reste de ceux qui aimeraient bien nous canaliser vers la contemplation de nos carnets de santé et de nos feuilles d'impôts. L'adresse à retenir est la suivante : http://www.snpe.com.

ORGANISER SON DYNAMISME

Le rechargement, en dehors de la magie qu'il recèle, est une activité dynamique. Le tir, plus que tous les autres sports, ne s'accommode que fort mal de la moindre irresponsabilité. C'est la raison pour laquelle un rechargeur doit s'organiser de façon précise, répétitive et constante ? Question de sécurité personnelle, d'une main, question de sûreté de l'autre. En dehors de quelques têtes brûlées et de quelques suicidaires invétérés, je n'ai jamais rencontré personne qui recherche le danger pour le danger. Les rechargeurs sont le contraire de masochistes et ne fréquentent pas les franges imprécises qui séparent les accidents de la régularité. D'ailleurs, les grandes disciplines de tir et de précision emploient des charges qui surprennent souvent le néophyte por leur modestie. Certes, des exceptions existent - mais elles sont à la fois rare et tenues en laisse par des gens qui préfèrent un beau springer spaniel à un pit-bull, et qui savent exactement ce qu'elles font.
Une organisation mentale sans faille est nécessaire. Voici les quelques règles auxquelles il vous sera nécessaire d'adhérer avec la plus grande constance. Avant chaque séance de rechargement, approchez-vous de cette liste, apprenez-la par coeur, récitez-la devant le miroir en laissant courir le rasoir sur vos jours mâles et viriles.

Alain F. GHEERBRANT - Cibles Hors Série